Nous avions présenté les trois principales approches pour l’éducation bilingue, ici. Nous avions déjà parlé de deux autres méthodes d’apprentissage :
- Un parent – une langue (One Parent One Language)
- La langue minoritaire à la maison (Minority Language At Home)
Il est maintenant temps de vous parler de la troisième : « Un moment, un lieu » (Time and Place). Le principe, c’est de choisir d’accorder des moments et /ou des lieux particuliers à l’une ou l’autre langue. Il s’agit donc de déterminer des contextes pour chacune des langues, et surtout pour la langue cible.
Pour qui ?
Parfois, les parents qui choisissent cette méthode parlent tous les deux la langue minoritaire et la langue majoritaire, et ils souhaitent transmettre ces deux langues parallèlement. C’est le cas aussi pour des parents qui décideraient plus tardivement d’introduire une nouvelle langue dans le quotidien des enfants, par exemple à l’occasion d’une expatriation ou d’un projet de ce type.
Ce peut être également la méthode choisie dans une famille monolingue qui souhaiterait introduire une nouvelle langue, même si aucun des parents ne la parle couramment.
C’est parfois l’approche adoptée si on ne comprend pas la langue de son partenaire, afin de conserver une langue de communication familiale et de laisser des contextes précis pour pratiquer la langue minoritaire, sans isoler l’un des parents.
Enfin, c’est une méthode qu’on peut adopter lorsqu’on veut introduire une troisième langue, tout en pratiquant en parallèle la méthode « Un parent – une langue » ou « La langue minoritaire à la maison » pour les deux autres langues.
Exemples de lieux et moments à consacrer à la langue cible
Mettre en place une routine et des habitudes permet de trouver un certain équilibre entre les temps d’exposition et de ne pas laisser une langue de côté. Cela permet aussi de donner un cadre rassurant et régulier à l’enfant.
- On pourrait par exemple choisir de parler une langue le matin, et une autre le soir, ou partager les jours de la semaine, ou bien encore une langue la semaine, une autre le weekend…
- Les trajets en voiture : profiter de ce moment pour discuter dans cette langue, écouter de la musique, la radio ou des podcasts…
- Le moment de la lecture (on a déjà parlé de l’importance de la lecture à voix haute…), ou un moment de jeux.
- Des rencontres avec d’autres personnes parlant cette langue. C’est bien sûr le plus riche, et ce qui donnera le plus de sens.
- Les moments de repas.
- Le moment du bain, les soins pour le bébé, l’habillage…
Avantages et inconvénients…
- C’est une méthode qui correspond bien aux parents qui souhaitent démarrer l’apprentissage plus tardivement, et non dès la naissance, parce que ça permet une sorte d’acclimatation. Cette approche convient aussi aux parents qui ne parlent pas couramment la langue cible : même s’ils ne sont pas à l’aise pour parler cette langue tout le temps, ça peut marcher de commencer par les histoires, les jeux, les comptines par exemple !
- Il faut bien doser ces moments d’exposition à la langue minoritaire. Il est clair que si vous vous contentez de parler la langue minoritaire 5 minutes par jour, pendant le bain ou sur le trajet de l’école, ce sera loin d’être suffisant pour faire de vos enfants des bilingues accomplis… Par contre, si ces rituels vous permettent d’ancrer une multitude de moments, ça commence à être vraiment porteur !
- Attention à faire évoluer les rituels ! On ne passera pas les mêmes moments avec un bébé qu’avec un enfant de 6 ans ou avec un ado !
Dans la famille chouette ?
Notre crainte avec cette méthode, et la raison pour laquelle nous ne l’avons pas choisie, c’est qu’il est plus facile de se laisser emporter par le quotidien, et d’oublier la langue minoritaire, qu’avec « un parent – une langue ». On s’est dit qu’on y arriverait sûrement pendant quelques semaines, mais qu’ensuite, au gré d’un voyage, d’une maladie, d’un coup de fatigue, d’activités différentes, pfiout, ça disparaît, et c’est difficile de s’y remettre !
C’est une méthode qu’il est bon de combiner avec une autre, me semble-t-il… Par exemple, nous combinons le « un parent – une langue », qui nous amène stabilité et permanence, avec « un lieu – un moment » : les repas se déroulent en grec, quand nous sommes à la maison tous les quatre, depuis un an et demi, et ça marche bien !
D’autres témoignages…
Les ressources sont souvent en anglais, sorry…
Sur le blog languagelearningathome.com, la parole est donnée à Carrie sur cette page : anglophone, vivant à San Diego en Californie, ancienne professeure d’espagnol, elle a choisi d’employer cette méthode pour donner à ses enfants la possibilité d’apprendre l’espagnol. Elle donne, dans cet article, de nombreux conseils et un éclairage sur son parcours.
J’ai beaucoup aimé aussi l’article de ce blog , sur trilingualmama.com ! Maria y explique leur mode d’emploi : lorsqu’ils vivaient aux Etats-Unis, ils employaient la méthode « OPOL : un parent – une langue » (dont on a parlé ici), papa parlait sa langue maternelle, le français, et maman en espagnol, tandis que l’environnement était anglophone. Cependant, en arrivant en France, ils ont dû modifier leur méthode pour ne pas perdre l’anglais et l’espagnol. Cette maman s’est donc décidée à parler à ses enfants en anglais pendant deux semaines, puis en espagnol pendant deux semaines ! Elle avait entendu parler de personnes qui changeaient de langue chaque jour (extrême !) ou chaque mois, elle conseille de tester plusieurs rythmes et de voir ce qui convient à chacun !
Pour conclure, ce que je trouve très chouette dans tout ça, c’est que ça laisse un beau terrain de jeu et une belle liberté de choix ! Amusez-vous bien !